Les trois composantes de l'Oedipe

Publié le par Psyclanel

La mort du corps imago

Lorsque l’enfant a environ trente mois, il a déjà deux identités, une identité en tant qu’il est comme maman et une en tant qu’il est comme papa. Il est confronté à une troisième forme d’identité; il va être ce que son corps est, en prenant conscience qu’il est soit une petite fille soit un petit garçon en fonction de son sexe. Il devient alors soit comme maman pour la petite fille, soit comme papa pour le petit garçon et de ce fait une des représentations qu’il s’était fait de lui, papa ou maman, disparaît. L’enfant vit la perte de cette identité comme une mort, ainsi associe t’il la mort à la découverte de sa spécificité corporelle.

La perception temporelle et intemporelle

  Le temps pour l’enfant c’est le jour où il découvre sa spécificité corporelle donc, à partir de la perte de son corps imago, c’est le jour 1 de sa vie, c’est la névrose de chaque individu qui se sent menacé par le temps. De par la découverte de sa spécificité corporelle dans l’oedipe, le petit garçon projette avoir un enfant de la mère et la petite fille, du père. A ce stade, il existe cependant deux menaces préconscientes;
1)- Le complexe de castration étayé sur l’interdit (si je fais un enfant avec papa ou maman, c’est interdit), on parle alors du complexe d’Oedipe. Cependant, la petite fille est également poussée vers la mère et le petit garçon vers le père, c’est une attitude homosexuelle.
2)- La découverte temporelle qui crée une anxiété car le temps passe et le temps qui passe entraîne la mort.

  En raison de l’angoisse du temps, l’enfant va essayer de déplacer sur l’autre, la temporalité. Le phénomène du déplacement a une fonction défensive. A ce stade, l’enfant va se rendre compte que le temps passe. Il commence à repérer dans leur entourage les individus plus âgés qu’eux, cependant l’inconscient a l’impression de lutter contre la réalité du temps et pour se défendre de cette angoisse, il va mettre en place un processus névrotique; l’autre meurt mais pas moi. La petite fille va déplacer la temporalité sur la mère car elle a le même corps que moi et est mortelle (plus vieille). Le petit garçon va faire la même chose avec le père. Si la mère meurt (pour la fille), moi, je suis donc intemporelle. L’enfant va établir une confusion entre elle et la mère, opposée pour le garçon.
L’oedipe est toujours vécu à trois mère-père-enfant. Il y a donc, pour la petite fille, deux femmes, une temporelle et une intemporelle mais il n’y a qu’un garçon et inversement pour le garçon. Ce schéma se retrouve dans l’inconscient collectif. Il existe donc, à ce stade, deux parallèles, l’amour et la mort. Il y a aussi un déni de la réalité puisque l’enfant se sent menacé par l’atemporalité et la temporalité jusqu’à la mort.

  L’enfant et le parent référent.
  Pour me prouver que je suis une fille intemporelle, si je suis une fille, il faut que j’établisse une confusion entre la mère et moi. Pour me prouver que je suis un garçon intemporel, il faut que j’établisse une confusion entre le père et moi, si je suis un garçon.
   Etant intemporelle, je suis donc la maîtresse de papa, le petit garçon devenant l’amant de maman, c’est la confirmation narcissique. Deux processus vont cependant apparaître; soit papa m’aime et c’est positif, soit il ne m’aime pas et c’est négatif, pense la petite file et inversement pour le garçon avec sa mère. Cependant, dans ce cas, on ne parle pas de névrose d’abandon, névrose oedipienne qui est une angoisse d’abandon, comme un besoin de sécurité. Elle ne correspond pas toujours à l’abandon subit dans l’enfance. Ces sujets sont nommés abandonniques, ce type de névrose peut présenter des similitudes avec l’agresseur; masochisme, autoévaluations, ces symptômes ne se rattachent pas au conflit oedipien. Ce besoin illimité d’amour indique une recherche de sécurité perdue dont l’origine serait une fusion primitive de l’enfant avec la mère que l’attitude affective a été ressentie souvent fantasmatiquement comme un refus d’amour. L’abandonnique est resté fixer à un stade préoedipien. L’oedipe constitue pour lui une menace excessive pour sa sécurité.
   Ainsi l’enfant peut-il se sentir aimé, mal-aimé ou non-aimé du parent objet, il peut aussi avoir l’impression que ses parents se liguent contre lui. Ce processus négatif va entraîner une position paranoïde/schizoïde (terme Kleinien) que l’on peut détecter en observant l’enfant; chute fréquente, automutilation précoce, suicide etc... Il existe alors une angoisse interne de nature persécutrice cependant la fixation pathologique n’est induite que par un profil structural marqué;
1)- Pulsions sadiques orales unies.
2)- Objet partiel clivé en mauvais objet.
3)- Le mauvais objet est fantasmé persécuteur terrifiant et son introjection fait courir à l’enfant des risques internes de destruction.
4)- Le moi, très inhibé, a une capacité limitée à supporter l’angoisse et il utilise alors comme mécanisme de défense, le déni qui vise à refuser toute réalité à l’objet persécuteur et le contrôle omnipotent de l’objet.
Il va donc être important de rassurer le sujet en lui donnant des preuves d’amour constantes: «tu es bien habillé, tu es joli(e) etc...»

  Je suis donc l’épouse intemporelle de papa, maman étant l’épouse temporelle de papa car mortelle. Le fantasme s’arrange avec la réalité. A ce stade, Freud a parlé de scène originaire qui représente la scène de rapport sexuel entre les parents observée ou supposée d’après certains indices et fantasmé e par l’enfant. Elle est généralement interprétée par celui-ci comme un acte de violence de la part du père, génératrice d’angoisse, elle est, la plupart du temps, fantasmée en tant que coït anal. Les psychanalystes de langue française ont généralement adopté l’expression de «scène primitive» comme équivalent. L’enfant intrigué par la perception de ce coït va être poussé de à fouiller partout, a écouté les conversations des grandes personnes, à vouloir tout voir, tout regarder, il va devenir voyeur.
  Il s’ensuit donc pour l’enfant une frustration et une déception à la suite de l’infirmation du fantasme oedipien. Je me sens trahi, c’est comme si papa ou maman me trompait avec quelqu’un d’autre. Le narcissisme est abîmé par la réalité car l’inceste est inconsciemment désiré. Je réalise donc que l’épouse de papa, ce n’est pas moi, pour la fille. Je réalise que l’époux de maman, ce n’est pas moi, pour le garçon. Lacan a mis un accent particulier sur cette structure; «Je renonce à mon désir et accepte la loi». La théorie lacanienne insiste sur le fait qu’un sujet qui est passé par ce processus de castration n’est pas complexé mais, au contraire, prétendra çà une sexualité normée. Ainsi l’être humain doit-il être castré pour parvenir à la maturation génitale. Cependant, une fixation, à ce stade difficile, entraînera des pathologies importantes; impuissance psychique, frigidité, fétichisme. Le fétichisme est un signifiant phallique, c’est une organisation particulière du désir sexuel, tel que la satisfaction complète ne peut être atteint sans le processus et l’usage d’un objet déterminé, le fétiche comme substitut du pénis. Il faut savoir que plus le désir est fait pour le parent objet, plus le refoulement est important en raison du tabou de l’inceste, loi universelle réglant, dans toutes les sociétés, les échange matrimoniaux, qui est le principe fondateur du complexe d’oedipe.

Clivage de la mère et du père en tant qu’objet d’amour temporel.
  Papa est marié, se dit la fille, c’est le père temporel, ce qui équivaut à une impossibilité. Le réel met donc le désir narcissique en échec. De ce fait, il va y avoir renoncement à l’objet, soit l’objet n’est pas bon, soit il m’a déçu, chacun va y mettre un affect lui permettant le renoncement. Cette première expérience d’amour va influencer le comportement futur de chaque individu dans le couple avec disparition et naissance de la jalousie. Ce processus fantasmatique entraîne des attitudes névrotiques pathologiques en raison de la dramatisation qui laissera une trace puisqu’on l’aura refoulé à cause du côté désagréable. La trace du refoulement va laisser un affect. Cet affect, à l’âge adulte, lors d’une situation similaire, va réapparaître, il y aura résonance avec l’affect de l’enfance. Il existe cependant un côté positif dans cette structure car ainsi, l’enfant apprend à attendre selon la loi, ce qui met en place un processus futur d’intégration sociale et humanitaire. Ainsi, l’inceste est prohibé par la li, entant que relation sexuelle entre proches parents. Selon Freud; l’inceste est toujours inconsciemment désiré. Sa prohibition empêche pour l’être humain deux tendances fondamentales; tuer son père pour épouser sa mère pour le garçon et inversement.  Dans les sociétés modernes et de type occidentales, sont champ d’application est restreint au triangle mère-père-enfant et sa fonction est intériorisée. Freud introduit dans totem et tabou (1912-1913) le mythe originel du meurtre du père de la horde primitive suivi de l’expiation des fils pour rendre compte de l’intériorisation de cet interdit qui signe les débuts de la culture et de l’humanité. L’inceste est une situation déstructurante, décevante pour les deux partenaires car l’enfant vit un traumatisme et le parent gardera une culpabilité. L’enfant vivra de toute façon une culpabilité qui ajoutée au traumatisme pourra le mener à l’impuissance. A ce stade, cependant, le narcissisme ne va pas renoncer tout à fait et l’enfant va fantasmer vivre sa relation avec un homme intemporel pour la fille en tant qu’homme idéal ou avec une femme intemporelle pour le garçon, en tant que femme idéale.
  L’oedipe, dans la quête de la recherche de l’homme ou de la femme intemporelle, il y a toujours échec. Lorsqu’il n’y a pas échec, dans le cas du mariage par exemple, le partenaire deviendra à nouveau, au bout d’un certain temps, temporel et la quête recommencera. L’autre va alors apparaître sadique. Ainsi l’intemporalité entraîne t’elle une lutte contre le temps donc le vieillissement et la mort. En analyse, il faut pister les souvenirs de l’analysant enfant à partir du moment où il a pris connaissance de la mort. Le réel apparaît insupportable car la seule façon d’accéder au réel, c’est la mort. A ce stade de leur analyse, le patient déni la mort. En guidance de cure, il faudra permettre la prise de conscience de la mort chez l’enfant qui sommeille à l’intérieur de tout analysant. Pour cela, il faut faire remonter des souvenirs concernant des morts de leur entourage, intervenus dans l’enfance. De toute façon, la temporalité étant omniprésente, l’histoire prouve à l’enfant que, puisqu’un individu très jeune peut mourir, ça peut donc lui arriver aussi.  
  Selon Jung, pour travailler l’inéluctabilité de la mort, on induit le processus de mort en utilisant les 4 éléments; eau, air, feu, terre. Ces éléments ont leur correspondance dans la symbolique fondée sur l’analyse de l’imaginaire, c’est à dire du fantasme donc de l’inconscient. Les travaux de Gaston Bachelard ont démontré comment ces 4 éléments correspondaient à 4 types de tempérament distincts; l’eau = le lymphatique, l’air = le sanguin, le feu = le nerveux, la terre = le bileux. Bachelard a parlé d’imagination matérielle, la physiologie de l’imagination aboutissant à la loi des 4 éléments. L’analyse de Jung reprend la distinction traditionnelle entre les principes actifs masculins, air et feu, et passifs féminins, eau et terre. A chaque élément est assimilé un ensemble de condition donnée par la vie dans une conception évolutive où le déroulement du cycle commence avec le premier élément eau en passant par air, feu et terre, ceci correspond à un ordre quaternaire de la nature des tempéraments et des étapes de la vie humaine, printemps, été, automne, hiver, soit; enfance, jeunesse, maturité, vieillesse ou encore; formation, épanouissement, culmination, déclin. C’est la base de ces valeurs universelles que reposent les opérations de l’alchimie astrologique, des disciplines ésotériques, de l’ontologie, de l’apport théorique psychanalytique Jungien. Il est à noter que des courants de pensée peuvent diverger quant à l’ordre de la nature.

Clivage psychisme / corps
 

  L’enfant comprend que la mort est inéluctable, il va mettre en place un aspect de psychose en opposant un déni au principe de réalité, c’est le clivage du moi (Freud 1927-1928) qui marque la coexistence au sein du moi de deux jugements contradictoires relativement à la réalité extérieure. Ce processus met en place deux positions antagonistes mais sans formation de compromis névrotique. Ainsi déni et reconnaissance peuvent persister côte à côte sans s’influencer mutuellement. Le déni de la réalité met en place une production de désir. C’est un mécanisme de défense qui pousse le sujet à se diviser d’avec lui-même. Il s’agit d’un état de dédoublement qui peut entraîner deux personnalités qui peuvent s’ignorer mutuellement. On peut souligner schématiquement les grandes lignes différenciant et définissant les psychoses des névroses. La psychose est un désordre mental, une maladie mentale entraînant une altération de la personnalité avec souvent hallucination, délire de persécution, incohérence langagière, absence de raisonnement etc... La névrose, à l’inverse, n’entraîne pas d’altération de la personnalité et le langage reste cohérent. Le sujet peut présenter des angoisses, une asthénie, des troubles obsessionnels, des phobies, des comportements hystériques etc... A ce stade, le narcissisme de l’enfant va opposer un déni à propos du corps. Ce corps, ce n’est pas mon corps, c’est le corps de ma mère se dit la petite fille, et psychiquement, je suis identique au père, tandis que le petit garçon pensera l’inverse. Il existe donc une attitude schizoïde c’est à dire une coupure entre le corps et l’esprit. Le déni du corps est en lien avec le déni de la réalité. Ce désinvestissement du corps entraîne une attitude indifférente par rapport au soma qui peut aller jusqu’à l’autodestruction, corps peu soigné, accident, automutilation, maladie etc... Il s’agit toujours de l’oedipe, mais il existe ici un éclairage homosexuel. L’homosexualité est une fixation à ce stade. Une autre sorte de fixation entraîne une sexualité vécue sur le mode de l’homosexualité.
  Il existe trois grands axes à ce stade; une attitude psychotique schizoïde, un déni de la réalité, un désinvestissement du corps. Jacques Lacan a parlé d’imaginaire, (de réel et de symbolique ou R.S.I. ) constituant le registre du leurre et de l’identification. Dans la relation intersubjective, quelque chose de factice s’introduit toujours qui est la projection imaginaire de comportement de méconnaissance, d’aliénation, d’amour et ‘agressivité dans la relation duelle. A ce stade, l’enfant éprouve le besoin de renforcer un clivage psychisme/corps, ainsi va t’il pister les sentiments positifs qui l’aideront dans son processus de séduction.
  A ce stade, l’enfant va rencontrer deux aspects possibles, soit;
pour les filles:
        1)- maman m’aime et c’est l’oedipe négatif.
        2)- maman ne veut pas m’aimer et c’est un processus paranoïde.
inverse pour les garçons.
S’il y a échec avec la mère pour la fille, ou le père pour le garçon, l’enfant va effectuer une recherche auprès d’autres imagos;
  Pour la fille; soeur, tante, amie, voisine, institutrice etc..
  Pour le garçon; frère, oncle, voisin, ami, instituteur etc...
  Inconsciemment, l’enfant va se débrouiller pour pouvoir vivre cette relation, c’est une expérience nécessaire au développement d’un individu. Il y a tout un travail dans la cure qui se fait autour des identifications. Malgré ses défenses et ses éteintes narcissiques, l’analysant aura à reconnaître qu’il parle d’un être qu’il n’a jamais été que son oeuvre dans son imaginaire. C’est le discours de l’analysant qui semble parler en vain de quelqu’un qui lui ressemble à s’y méprendre mais qui ne fonctionne jamais à l’assomption de son désir. C’est pourquoi le psychanalyste ne répond pas à ce discours et, à ne pas souligner ses interventions ce qui est du registre de l’imaginaire, à ne pas s’engager avec l’analysant dans sa méprise permet à celui-ci de repérer la béance soit la discordance primordiale entre le moi et l’être. A ce stade, comme la fille va fantasmer que le véritable homme c’est elle, le garçon va fantasmer que la véritable femme c’est lui.
  La fille a donc besoin que les autres la reconnaissent comme étant manisfestement un homme et inversement pour le garçon, et ceci toujours en raison de l’angoisse de mort. Ainsi tout enfant fantasme t’il être immortel. Ce processus sous entend que celui qui est mortel, c’est le parent référent sur lequel l’enfant projette sa mortalité. Ce mécanisme de défense met en place le phénomène de déplacement qui présente donc bien une fonction défensive évidente puisqu’il permet d’objectiver, de localiser, de circonscrire l’angoisse. une fixation pathologique à ce stade peut entraîner plusieurs attitudes comportementales possibles. Il pourra exister des amours platoniques de type homosexuel ou une homosexualité vécue donc active ou une toute puissance qui sera vécue de façon mégalomaniaque, ou des défis par rapport à la mortalité ou le désir de créer (artiste) pour une postérité, mécanisme de défense contre le temps comme qulque chose qui peut durer à travers les siècles (ex; pyramides)
  Ce clivage psychotique entraîne donc un déni du réel pour obtenir finalement un bénéfice, soit l’immortalité, c’est à dire une négation de la réalité. Le clivage corps/esprit est un stade mégalomaniaque. L’enfant fait l’ablation, le sacrifice de son corps pour gagner l’immortalité.

Publié dans Le complexe d'Oedipe.

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